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C’est autour d’un feu, sur le bord de la rivière Bell, au nord de Senneterre en Abitibi-Témiscamingue que j’ai décanté pour la première fois les émotions que m’avait fait vivre la Conférence des Nations-Unies sur les Changements climatiques qui avait lieu à Paris. Plusieurs jours après la fin de la COP21, j’étais encore sous le choc. Je n’ai pas assez de doigts et d’orteils pour compter le nombre de chefs d’État que j’ai rencontrés sans compter le nombre de ministres, d’anciens présidents, d’activistes reconnus mondialement, de spécialistes prédominants et de membre de l’opposition canadienne et québécoise.

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J’ai eu la chance de parler de l’avenir de la planète avec Steven Guilbeault, Elizabeth May, Jean Lemire et de nombreux autres. Je les ai côtoyés chaque jour pendant près de deux semaines.

J’ai eu la chance de parler seul à seul de l’avenir du Québec (et parfois critiquer certaines politiques gouvernementales, ce dont beaucoup de Québécois rêveraient présentement) avec Philippe Couillard, David Heurtel, Pier-Karl Péladeau, François Legault, Thomas Mulcair, Stéphane Dion, Catherine McKenna et Manon Massé.

J’ai eu la chance inouïe d’assister à un moment qui marquera probablement l’histoire, c’est-à-dire à l’adoption de l’accord de Paris. Peu de gens auront, une opportunité similaire à celle-ci au cours de leur vie et j’en suis pleinement conscient. Je ne revivrais probablement jamais un moment comme celui-ci et j’en réalise encore très peu l’ampleur.

Je savais qu’à mon retour j’allais avoir besoin d’une bonne dose d’humilité et de réalisme pour faire retomber les émotions vécues. J’allais avoir besoin de temps pour remettre en perspective ce fabuleux spectacle qu’a été la COP21.

Ce moment de rétrospection m’a rapidement été offert. Dès la sortie de l’avion qui me ramenait de France, j’entrais dans une voiture qui, au bout de sept heures de voyage additionnel, allait me ramener en terre natale. Destination, le chalet de ma grande sœur situé au nord du nord.

Son chalet, c’est le genre d’endroit dont on rêve lorsqu’on veut se retrouver dans de grands espaces sauvages. C’est un bâtiment rustique sans eau courante, alimenté en électricité par un panneau solaire, qui est situé aux portes de la baie James. Depuis le rivage, on peut voir les premiers rapides tumultueux de la rivière. Le grondement sourd de l’eau agitée se pose comme un bruit de fond apaisant. Droites et échevelées, les épinettes noires qui occupent l’ensemble du champ de vision rappellent les rigueurs du climat.

À chacun de mes passages en Abitibi je m’oblige à aller y faire un détour de quelques jours.

C’est dans ce décor, à la lueur d’un feu de camp sur lequel cuisait notre repas, que mon beau-frère, Simon, m’a ramené à la réalité. « Concrètement, ça va changer quoi l’accord de Paris? C’était pas juste un gros show de boucane? »

Je lui ai répondu ce que j’ai répondu aux médias durant les deux dernières semaines. « J’espère que les choses vont changer pour de bon. J’ai l’impression que c’était plus que des feux d’artifice. L’architecture de l’accord semble être bonne. Les dés sont joués, mais reste maintenant à voir ce que les pays vont vraiment faire. » Caché derrière cette belle réponse, j’avais moi-même des doutes.

Je tente de rester critique tout en comprenant les difficultés associées à la lutte aux changements climatiques. Je comprends surtout une chose. La plupart des difficultés partent de nous, les consommateurs. Tant que nous continuerons d’acheter davantage que l’on a réellement besoin, aussi longtemps que nous achèterons des « gogosses » faites pour briser dès que la garantie expire, tant que nous ne serons pas plus exigeants d’un point de vue environnemental, les entreprises qui profitent de la situation continueront d’agir comme elles le font.

On s’imagine que d’avoir un meilleur vélo fera en sorte qu’on ira plus souvent en faire. Ce faisant, on se soucie rarement de celui qu’on jettera qui, pourtant, répondait amplement à nos besoins. On s’imagine qu’on ira faire plus d’activité à l’extérieur avec un nouveau manteau sans jamais songer à son empreinte environnementale totalement néfaste.

Bref, on s’imagine toujours plus heureux avec le gadget dernier cri. Et pourtant…

Le réel problème est que les prix de nos biens de consommation ne reflètent pas leurs réels coûts. Ils ne reflètent pas les dégâts environnementaux et sociaux qu’ils causent.

Sur ce point, l’accord de Paris a échoué. Les externalités environnementales ne seront pas incluses dans la valeur des produits que nous consommons chaque jour. Ce sera donc aux entreprises d’adopter des pratiques saines et de justifier par la suite leurs prix parfois plus élevés. Ce sera aussi aux citoyens de faire des choix consciencieux. Aux consommateurs d’acheter moins et d’acheter mieux.

Si les traités internationaux ne parviennent pas à régler la question, qui le fera? Comment faire pour que notre société change? Comment faire en sorte que les gens optent pour un mode de vie plus simple, un mode de vie soutenable à l’échelle planétaire?

Suite à une longue discussion, Simon et moi sommes arrivés à la même conclusion. Il faut sortir les gens dehors, les reconnecter avec la nature. Pourquoi? Parce que la nature nous connecte avec quelque chose de vrai.

D’ailleurs, la plupart de mes souvenirs les plus heureux sont souvent les plus simples. Les quatre mois passés au Yukon à dormir dans ma tente ou à la belle étoile. Les journées passées dehors malgré les -35 degrés à faire des igloos ou du ski de fond à la lumière des lampes frontales. Les sorties en kayak dans les rapides de la rivière Bell finissant par un repas cuit sur le feu de bois. Les soirées à regarder un coucher de soleil sur le lac Kipawa après une journée de canot. Les nuits passées écrasées dans la neige en regardant le contour ombrageux des conifères de l’autre côté d’un cours d’eau éclairé par la lune.

Ce sont ces moments qui, par leurs simplicités parfois déconcertantes, nous font réaliser que le bonheur n’est pas tributaire de possessions matérielles. Ce sont ces moments qui nous montrent la beauté de la nature et l’importance de la protéger. Ce sont ces moments qui connectent avec quelque chose qui semble plus grand que nous-mêmes.

Il faut que les gens reconnectent avec la nature parce que c’est de là qu’on vient.

Simon

Simon a conclu la conversation sur une phrase qui m’a fait réfléchir; « Il faut que les gens reconnectent avec la nature parce que c’est de là qu’on vient ». Je suis resté quelques minutes à regarder le feu en pensant en silence à Paris, à la COP21, à nos problèmes de consommations en tant que société et à me demander comment faire pour simplifier nos vies. J’ai levé les yeux pour regarder le paysage typiquement abitibien qui s’offrait à moi en me demandant; « Que vouloir de plus? »

Le bonheur se trouve dans les choses simples. Si tout le monde réalisait cela, notre planète s’en porterait beaucoup mieux.

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Guillaume Rivest - Bachelor d'une Maîtrise en environnement

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